Le Mandala de Maslow
C’est dans le cadre de ses études sur la motivation que le psychologue Abraham Maslow modélise en 1970 une hiérarchie des besoins humains structurée de haut en bas comme suit : physiologie, sécurité, amour et appartenance, estime, accomplissement de soi. Il entend par là que sans intégrité corporelle assurée (physiologie, sécurité), l’individu ne pourrait prendre conscience de ses besoins relationnels (appartenance et amour) ou ontologiques (estime, accomplissement de Soi). Il postule également une universalité de sa théorie.
Comparer divers modèles philosophiques (1) suffit à révéler dans cette thèse une primauté de l’identification au corps et à la personnalité individuelle ; en d’autres termes, que Maslow pose en absolu le point de vue relatif de l’ego (2). Adhérer ou non à ce paradigme, valider ou remettre en cause la méthodologie de l’auteur, ne change rien à la limite objective du schéma: dans tous les cas, l’implicite du symbole pyramidal vient contredire le propos.
Les défenseurs du schéma de Maslow argumentent avec raison sur la nécessité, pour exprimer son potentiel, de disposer d’un corps fonctionnel. Leur postulat d’agencement des autres besoins répertoriés est-il pertinent pour autant ? En quoi, par exemple, la sécurité physique ouvrirait-elle sur l’appartenance aimante à une communauté plutôt que l’inverse? Aux détracteurs soulignant qu’une architecture verticale induit un ordre de valeur rigide, le psychologue américain répond qu’en réalité tous les besoins coexistent et que leur articulation relève plus du fondu enchaîné que du cloisonnement. En confirmant la transversalité des besoins et la fluctuation de leur priorité selon l’individu et le contexte, Maslow démontre finalement deux choses :
- que le symbole graphique qu’il a choisi n’est pas le plus pertinent
- que son choix est symptomatique du paradoxe de la psychologie humaniste, prise en porte-à-faux entre l’intuition d’un invisible immanent et la résistance à remettre en question les fondements culturels du judéo-christianisme (3)
L’espace nous manque ici pour développer le second point, en revanche, il nous est permis de conclure avec une proposition concrète : transformons la pyramide de Maslow en Mandala ! Cette forme circulaire offre l’avantage d’une incontestable universalité puisqu’on retrouve le binôme circonférence/centre dans toutes les cultures du monde. Elle traduit en outre les points de convergences entre pro et anti Maslow : le centre pourrait correspondre aux besoins physiologiques, condition sine qua non de l’incarnation, tandis que danseraient autour d’eux les besoins émotionnels et spirituels.
Une structure quaternaire qui n’est pas sans rappeler le Soi jungien et qui, comme tout concept, serait appelée à vivre, c’est-à-dire à être critiquée, perfectionnée, transformée…ou fossilisée sous forme de dogme !
(1) A minima, les grandes religions et traditions spirituelles d’occident et d’orient
(2) comment s’étonner alors que ses plus fervents soutiens se retrouvent dans les secteurs du marketing et du management à l’anglo-saxonne
(3) dont le culte du Moi n’est qu’une variante athée du monothéisme patriarcal