Amour, Amour
Je t’aime tant…
Je pratique le Qi Gong du cœur, je médite sur mes émotions, j’essaie d’ouvrir mon cœur, parce qu’un jour il s’est fermé, verrouillé. Parce qu’un jour j’ai souffert. Et ce fut le grand vide, la séparation primordiale et originelle, la coupure, le néant. Alors, en un instant, ou peu à peu, je suis devenue insensible. Je m’arrête de vivre. J’en viens presque à cultiver cet état comme un fait, une habitude. Je cherche à la transcender. En créant des sensations fortes, des « extras émotionnels », je veux sortir de mon corps (j’en fais même une voie), je veux trouver la paix dans l’assise, je vais me blottir dans les bras d’Amma, je pratique pour ne plus penser à rien, je m’agite, je me lance à corps perdu dans le travail, des causes humanitaires, la réussite et l’argent, je « me case ». Pour ne plus souffrir, pour m’oublier, parfois en aimant l’autre plus que moi-même, parce qu’au final, je n’aime plus. Je perds le goût d’aimer. Je ne M’aime plus.
Mais l’amour me rattrape toujours. Son manque, sa frustration se manifestent dans mes stress, mes rancœurs, mes agressivités, mes haines, mes jalousies et mes petitesses quotidiennes. Dans mes peurs. Et oui, bien sûr et aussi, dans mes aspirations. Tout de même ! Car je le sais bien, on a des ailes quand on aime. Quand le cœur est ouvert. Quand tout devient possible, que mon visage s’illumine et irradie. Que je trouve le monde et l’humanité si beaux. Bien sûr, tout ça, c’est de l’alchimie organique. Le monde en réalité n’a pas changé (tout est si relatif !), mais moi oui. Quel élan de vie! Je sens bien là qu’il y a une source existentielle. Et que ce cœur est si essentiel. Mais quelle est donc la clé pour l’ouvrir quand il s’est tant fermé ? Il existe des techniques, des thérapies. Oui, beaucoup de techniques. Mais pourrais-je aimer grâce à une technique ? Humm, oui, parfois. En tous cas, cela mérite des efforts. Traverser ses croyances, ses conditionnements, ses fantasmes et ses décalages. Oser regarder ses palliatifs : l’amour reporté sur ses enfants, investi dans une cause, consacré à soi, à ses « p’tites affaires », parfois même à ce qui touche nos aspirations spirituelles. Prendre refuge dans la pratique, le jeûne, etc. Et oublier l’essentiel de ce qui motive le choix de ma pratique : oui, on peut méditer et toucher des états d’éveil et des expansions de conscience tout en ayant le cœur fermé ! Ça m’est arrivé. Avoir le cœur fermé tout en donnant de soi aux autres. La religion connaît bien ça. Ça peut être si douloureux d’ouvrir son cœur quand il a longtemps été fermé. Oui, ça fait mal. Mais je vous le dis, il faut persévérer, laisser peu à peu les larmes couler, suinter, ça en vaut la peine.
Pour Wilhelm Reich, la libération de l’onde orgastique nourrit le cœur et tout l’être. Une onde freinée ou bloquée et la « peste émotionnelle » surgit : le cœur devient sec et haineux. Mais nous pouvons retrouver l’essence de cette onde et la laisser nous imprégner. Chasser les « marchands du temple » de notre âme. Et accueillir la simplicité d’un instant, d’une vérité. D’un contact. J’ai lu que le toucher est le seul sens que l’on ne peut pas perdre sans en mourir. On peut être aveugle, sourd, perdre une zone de sensibilité, mais pas sur tout le corps. Ce toucher m’a tant manqué à la naissance, et j’ai tant massé plus tard pour combler ce manque. Alors, oui, la simplicité d’une onde et aussi, se laisser toucher, au corps, à l’âme, par tous les pores de l’être. Et oser toucher au corps, à l’âme. Je sais que bien d’autres l’ont dit avant moi. Mais la répétition a ses vertus. Oser transformer d’anciens schémas, de vieilles souffrances qui n’ont plus lieu d’être. Etre toujours en mouvement et en mutation. Savoir se transfigurer pour devenir, non pas quelqu’un d’autre, mais ce que l’on est, ce que je suis, ce qui est. Si magnifiquement impermanent et immuable.