Amis du transpersonnel, avons-nous du cœur?
Ceux qui ont lu le bouleversant témoignage des Dialogues avec l’Ange, n’auront pu rester insensibles à l’issue de cet épisode biographique: alors qu’elle pourrait se sauver parce qu’on la croit aryenne, la blonde Hannah répond “non, je suis juive” puis monte en conscience dans un train de la mort. Les quelques semaines qui lui restent à vivre seront passées à accueillir et soulager la détresse de ses frères et soeurs spirituels. Combien d’entre nous sommes capables d’une telle intégrité?
Depuis l’enfance je me suis rêvée héroïque, mais force est de constater que j’ai passé la première partie de ma vie à fuir l’engagement que je disais appeler de mes voeux. Si j’ai échoué tant de fois à traverser mes peurs, je comprends aujourd’hui que c’est parce que j’avais oublié l’essentiel: il n’y a jamais de conditions idéales, car les grandes révolutions sont toujours de petits gestes dont l’onde s’amplifie au fil du temps par ricochets. Rosa Parks était une citoyenne ordinaire, le jeune homme debout sur un char de la place Tien Anmen, un anonyme. Pourtant, il a suffit d’une brèche pour que leur grandeur d’âme transcende leur condition en disant “non!” à l’inacceptable. Ils ont pris le risque de la transgression, émettant un signal que d’autres ont osé relayer à leur tour. Combien d’entre nous sommes capables d’honorer ainsi nos valeurs ?
Les destinées de Mohandas Gandhi et de Nelson Mandela ont prouvé que l’engagement spirituel est un puissant levier de transformation sociale lorsque nos conduites entrent en résonance émotionnelle avec nos idées. Ce que nous montrent les faits, c’est que nos paroles et prières doivent s’inscrire dans l’exemplarité de nos actes pour reconfigurer la réalité collective, sans quoi nous restons prisonniers d’une posture infantile stérile; nous attendons le maître ou la doctrine omniscient(e) ayant la solution ou l’explication à nos souffrances, nos invocations visent à marchander de la protection ou à fuir l’introspection autocritique, et nos pratiques rituelles se muent en bulles de ressourcement compensatoires. Combien d’entre nous sommes capables de quitter nos cocons spiritualistes pour oeuvrer dans la seule communauté digne de ce nom, la toile sociétale mondiale?
Ami(e)s lecteurs(trices), mon propos n’est pas de nous moraliser mais de rappeler que “coeur” et “courage” partagent leur racine sémantique, ce dont témoignent les parcours des illuminés de toutes les traditions. En France, peut-être plus qu’ailleurs, l’attachement au positivisme scientifique rend parfois très éprouvante l’adhésion officielle au transpersonnel. Certes, nous ne risquons plus le bûcher, mais les contrôles fiscaux, les dénonciations à Miviludes/aux RG ou la calomnie sont d’autres formes de bannissement qui n’ont rien à lui envier. Nous pouvons simplement continuer à nous cacher, surjouer la marginalisation, ou nous ressourcer entre nous à travers des rencontres festives pour entretenir notre philosophie. Nous pouvons aussi dire “non!” et fédérer nos individualités au-delà de prières ou méditations collectives, notamment dans le soutien actif des écoles ou associations qui ont ouvert nos chemins lorsqu’elles sont punies pour avoir transgressé. Ainsi découvrirons nous alors peut-être, comme le lion du Magicien d’Oz, la véritable magie du cœur?