Du dualisme à la souveraineté
Par delà les nuances de leurs expressions culturelles, de grandes figures archétypiques universelles marquent l’imaginaire humain de leurs empreintes. Ainsi, que nous vibrions pour les héros de Marvel, Star Wars ou des héros mythologiques, nous restons attachés – parfois jusqu’à l’obsession – à des types psychologiques qui influent sur notre construction identitaire, depuis nos croyances jusqu’à nos actes.
L’un des plus prégnant est le “couple souverain”, dont se retrouve la trace tant dans nos systèmes culturels occidentaux (monarchie, psychologie jungienne) qu’orientaux (Tao). Harmonie des principes féminin et masculin renvoyant au point d’équilibre du conscient (rationnel) et de l’inconscient (irrationnel), l’incarnation symbolique idéale de ce duo semble rester la co-régence éclairée d’un homme et d’une femme. Vraisemblablement parce qu’une même loi dynamique perdure, que l’on se situe au plan intra ou extra psychique: seule la collaboration admise de forces opposées s’avère fonctionnelle tandis que la domination d’un pôle sur l’autre mène au conflit.
De ce point de vue, le patriarcat peut s’interpréter comme une pathologie de l’âme collective: étouffée dans sa croissance individuelle par le paradigme matriarcal, l’humanité pourrait avoir opté pour l’offensive, matérialisant ce que Jung appelait l’inflation du Moi (1). Le durcissement progressif de ce passage de pouvoir et son cortège de stratégies défensives/répressives (2) rencontre depuis toujours des résistances de l’irrationnel qui nous habite ; en effet, la rébellion dépasse les revendications féministes et s’exprime aussi bien dans les radicalisations des religions du livre (intégrismes) que dans le renouveau des religions dites archaïques (paganismes, animismes).
Tout comme le Moi ne sort jamais indemne du bras de fer avec les forces sauvages de l’inconscient, il est temps que nos civilisations renoncent aux rapports hiérarchiques pour penser les différences genrées et cognitives en terme de fonctions créatives à fédérer : qu’est-ce que les principes féminin/ irrationnel et masculin/rationnel (2) apportent à la corbeille de mariage sacré ? Que pouvons- nous réaliser à partir de ces ressources ?
Ce n’est que lorsque nous aurons décidé de nos réponses à ces questionnements fondamentaux que nous pourrons décemment parler de liberté, d’égalité et de fraternité.
(1) tentative musclée de soumission de l’inconscient à la volonté du Moi
(2) pensons aux persécutions de « sorcières », c’est-à-dire toutes les formes d’altérité jugées subversives
(3) A ne pas confondre, en les superposant, avec “homme” et “femme”