Osons le féminin des mots
« La forme contient le fond et le fond contient la forme », est-il écrit dans le livre l’art de la Trans-analyse (que je vous recommande chaleureusement si vous souhaitez à la fois vous régaler et cheminer). On parle alors de forme corporelle, énergétique, caractérielle… Il en est de même pour l’écriture. Les mots contiennent la pensée, la pensée contient les mots. Dans chaque mot est contenu tout un univers référentiel. Et comme le dit Roland Barthes, “dès qu’elle est proférée, la langue entre au service d’un pouvoir.”. Dans ce domaine comme ailleurs, il est intéressant de s’offrir des plongées dans les profondeurs de l’inconscient collectif.
Alors, plongeons ! Plongeons dans ces mots anodins… qui au masculin désignent des sujets divers et qui – miracle – mis au féminin se concentrent sur un unique sens sexuel très défavorable pour les femmes. Par exemple un maître c’est un instituteur, mais une maîtresse connote une relation sexuelle. Un entraîneur, c’est un homme qui entraîne une équipe sportive mais une entraîneuse, qu’entraîne-t-elle ? Un homme qui fait le trottoir, tout le monde pense à un ouvrier du BTP, mais une femme qui fait le trottoir, il n’y a pas de doute. Un courtisan, c’est un homme proche du roi mais les courtisanes réjouissent encore de la même manière. Un gars est un jeune homme, une garce, c’est moins sympa. Continuons : un péripatéticien, c’est un homme partisan de la doctrine d’Aristote. Un homme de petite vertu, cela ne se dit pas, sauf pour les avocats véreux. Un homme facile est un homme agréable à vivre… au féminin, on parle de sexe, voire de prostitution. Et la liste est longue !
Féminiser les noms de métier, surtout prestigieux, permet donc de concevoir une réalité qui sinon est invisible, cachée et même exclue de fait. Osons les maîtresses de conférence, les avocates, les écrivaines, les mairesses, les entraîneuses d’équipes olympiques. Osons nous proclamer péripatéticiennes si nous aimons Aristote ! Affirmons que nous sommes des femmes faciles car faciles à vivre… Convaincue que l’usage change le point de vue.
Photo : Mitya Ku