Qui êtes vous?
Vivre, c’est à la fois faire l’acteur et être spectateur, donner la réplique et se mettre en scène. C’est, surtout, dire au-delà de sa voix, à travers son corps et ses silences. Ce constat s’actualise d’autant plus lorsqu’il s’agit de se définir face à un autre, comme lors de tours de table de formations ou d’ activités mondaines qui nous exposent comme objets inconnus. Avant d’aller plus loin, je vous invite donc à répondre, mentalement ou par écrit, à cette question : qui êtes-vous?
Magie humaine oblige, l’articulation de ces trois mots suffit pour mobiliser chaque cellule de votre corps-esprit. Dès réception du message à décoder surgissent peut-être des images, des sons, des sensations, puis le chaos s’organise selon ses voies préférentielles. Et ce faisant, vous répondez déjà de l’intérieur, esquissant les grandes lignes invisibles d’une nature instinctive ou prudente, sensuelle ou cérébrale, pointilleuse ou généraliste…etc.
Plus ou moins rapidement, hésitante ou affirmée, l’architecture de vos pensées-perceptions est alors projetée vers le monde pour vous raconter. L’effeuillage se poursuit, mettant en lumière l’axis mundi de votre incarnation : est-ce par mes liens que je me présente ou par mes réalisations ? Quel reflet aimerais-je imprimer sur la rétine de l’autre, et dans quel but ?
L’infini des possibles m’est offert pour formaliser mon autoportrait :
Je peux me tapir derrière ma Persona, vous signifiant par là que la frontière est marquée entre le social (sphère que je partage avec plaisir) et le privé (terrain miné!).
Je peux jouer les épouvantails ténébreux, afin de tester votre loyauté ou votre curiosité en vérifiant si vous êtes capable de m’aimer au-delà des apparences. Alors peut-être laisserais-je ma lumière dissoudre mon ombre pour révéler mon être…
Je peux à l’inverse vous manipuler d’emblée, vous subjuguer en mettant en scène mes plus beaux atours. Quant aux moutons noirs cachés sous le tapis, il sera toujours temps de les découvrir lorsque notre codépendance sera consommée.
Je peux chercher à vous mettre dans ma poche en vous prouvant ma normalité : comme tous les gens hyper adaptés, j’assume ma condition d’amas de chairs mécanisées, c’est pour cela que je ne crois que ce que je vois. Alors inutile de m’attaquer, d’accord ?
Je peux tenir à me démarquer par l’originalité de mes choix de vie ou références culturelles, afin que tout le monde comprenne bien que j’existe par moi-même.
Je peux vous tenir à distance en n’étant pas de ce monde pulsionnel (surtout si je suis une femme) ou en égrenant ma collection de médailles en chocolat prouvant à quel point j’en maîtrise les codes (surtout si je suis un homme).
Mais quoi que je vous dise, et quoi que je vous taise, sachez que ce n’est pas moi que je décris mais le visage que j’aimerais contempler dans vos yeux, sublimé par votre approbation admirative ou bienveillante. Car s’il est une réponse qui peut prétendre à l’universalité subjective, c’est peut-être celle-ci : je suis un être vivant qui ne croît (1) qu’en l’amour.
(1) amis lecteurs, ceci n’est pas une coquille mais un jeu de mots !