Rupert Sheldrake
« Les résonances morphiques sont les habitudes de la nature. »
Propos recueillis par Marie Delaneau et Delphine Lhuillier, traduits de l’anglais par Nicolas Souchal, avec la contribution de Nutrition Quantique et Martine Deloupy.*
Les études sur la résonance morphique de Rupert Sheldrake ont bouleversé la pensée matérialiste. Rencontre avec le biologiste du « vibratoire ».
Bonjour Rupert, vous avez écrit qu’après neuf ans de recherches intensives, il vous était clairement apparu que la biochimie ne vous aiderait pas à savoir pourquoi les choses ont la forme qu’elles ont. Est-ce ce constat qui a orienté vos recherches vers les champs morphogénétiques ?
Oui, j’ai travaillé, il y a longtemps maintenant, à l’Université de Cambridge pour connaître ce qui déterminait la forme des plantes. A savoir que les mêmes substances chimiques se retrouvent tout autant dans une rose que dans une salade ou une autre plante. Par ailleurs, toutes les cellules ont les mêmes gènes, mais ont des formes différentes. L’explication n’étant pas d’ordre génétique, je me suis intéressé aux champs morphogénétiques qui avaient été découverts par Hans Spemann, Alexander Gurwitsch et Paul Weiss. Certains pensaient alors que ces champs n’étaient qu’une manière de définir ce que l’on ne comprenait pas. D’autres, qu’ils correspondaient à des équations mathématiques qu’il fallait découvrir. Le concept platonicien des Idées aurait pu nous aider, mais les êtres vivants ne cessent d’évoluer dans le temps. Ils ne sont pas figés ; ils ont une réalité dynamique. Les champs morphogénétiques semblaient stocker de l’information, de la mémoire. Pendant deux années, je me suis beaucoup penché sur le sujet, et puis, j’ai lu Henri Bergson : « Matière et mémoire » ; ce qui m’a permis de comprendre que la mémoire n’est pas stockée physiquement, c’est un processus diffus qui s’imprime à travers le temps. Ce qui m’a amené à l’idée de résonance morphique.
Vous définissez la résonance morphique comme les habitudes de la nature. Existe-t-il de mauvaises habitudes ?
Oui, mais selon l’idée de l’évolution darwinienne, une mauvaise habitude de la nature ne survit pas. Les humains considèrent que les moustiques ont la mauvaise habitude de les piquer, certes, mais c’est une bonne habitude pour les moustiques, car cela leur permet de survivre.
Les épidémies pourraient-elles être liées aux champs de résonance ?
Aujourd’hui, toutes les épidémies sont expliquées en termes de germes, de bactéries, de virus, mais il pourrait y avoir une explication en terme de champ morphique. A travers l’histoire, nous voyons des maladies apparaître, puis disparaître, et ce n’est pas seulement lié à la consommation d’antibiotiques. Nous remarquons par exemple aujourd’hui une augmentation très significative des allergies et personne ne sait pourquoi. Idem pour l’autisme chez les enfants. Il peut y avoir des conditions environnementales, mais aussi une résonance morphique.
L’inconscient collectif décrit par C. G. Jung pourrait-il aussi être un vaste champ de résonance ?
Je nomme mémoire collective ce que Jung appelle inconscient collectif. Celui-ci ne tient compte que de la psychologie humaine, quant à moi, je postule que c’est l’ensemble de la nature, de l’univers, qui fonctionne sur cette base, pas seulement l’humain.
Selon vous, la télépathie pourrait être expliquée par les champs de résonance. Pour exemple, le chien qui anticipe l’arrivée de son maître. L’affect serait-il un paramètre du champ de résonance ?
Le lien affectif entre le chien et son maître est en effet essentiel. En fait, ils appartiennent tous les deux à un seul champ morphique qui contient plusieurs éléments : la force du lien qui les unit et la sensibilité du chien. Tous les chiens ne réagissent pas de la même manière.
Télépathie, intuition, instinct ? Parle-t-on de la même chose ?
Dans le langage courant, les gens utilisent souvent un mot à la place de l’autre. L’intuition est la faculté de connaître directement une chose sans passer ni par la logique, ni par les sens, contrairement à la télépathie ou la prémonition. On parle aussi d’inspiration créative. L’instinct est une capacité à percevoir dont on hérite généalogiquement, génétiquement. Comme l’instinct animal qui lui permet de chasser ou de se reproduire. Un pratiquant d’arts martiaux s’entraîne à développer sa sensibilité, à devenir plus conscient de sa capacité à percevoir. Il utilise son intention.
Peut-être savez-vous que l’intention, le Yi, est un des fondements de la pratique des arts taoïstes ?
L’intention consiste à envoyer de l’énergie à l’extérieur de soi. Le chien capte l’intention de son maître qui décide de rentrer. Idem pour les appels téléphoniques. Il nous est tous arriver de deviner qui nous appelle au moment où le téléphone sonne. Nous percevons l’intention de la personne qui nous appelle.
Vos théories sont controversées, mais la science n’a aucune autre explication pour les phénomènes que vous étudiez. Comment le vivez-vous ?
La science nous dit que la télépathie n’existe pas, donc nous n’avons pas besoin d’explications… Je poursuis mes recherches pour créer des preuves qui amenèrent la science à changer. J’étudie des phénomènes que tout le monde peut comprendre, comme le lien entre les chiens et leur maître, afin que les scientifiques admettent cette théorie qu’ils peuvent eux-mêmes expérimenter. Il est plus facile d’admettre des choses simples que des choses très techniques. Mais je pense que le changement va s’opérer avec le temps. La question est davantage sociologique que scientifique. Dans la plupart des laboratoires, les scientifiques qui ont des chiens connaissent bien la relation qui unit le chien à son maître, mais ils n’en parlent pas ; c’est une conspiration du silence parce qu’il est nécessaire d’entretenir le tabou.
Pourquoi est-ce tabou ?
Toute la science est basée sur le modèle matérialiste qui considère que l’esprit siège dans le cerveau. C’est donc dans le cerveau que se loge l’intention. Et si l’intention se loge dans le cerveau, alors elle ne peut pas affecter quelqu’un situé à plusieurs kilomètres. Penser autrement ouvre la porte à toutes sortes de croyances et autres religions que le modèle matérialiste a voulu éradiquer. C’est la science et la raison contre la superstition. Dans les faits, c’est le contraire, la pensée matérialiste est non raisonnable, non scientifique et dogmatique. Et cette attitude dogmatique est mauvaise pour la science. Les scientifiques doivent rester ouverts à toute forme de connaissance au lieu de repousser tout ce qui n’est pas explicable par leur modèle. Les choses changeront quand il n’y aura plus de tabou, quand chacun fera son « coming out ». Quand tous les scientifiques oseront dire qu’ils font appel à des praticiens alternatifs, qu’ils ont déjà vécu des expériences psychiques ou que leur chien les attend le soir quand ils rentrent à la maison. S’ils sont capables de le dire à leurs collègues, le tabou sera levé.
Pour conclure Rupert, êtes-vous croyant ?
Je suis chrétien anglican. Après mon voyage en Inde, je me suis aussi ouvert au bouddhisme et à la tradition hindouiste et j’ai renoué avec la tradition chrétienne. Je pense que les Européens devraient recréer ce lien, se reconnecter avec leurs croyances ancestrales ; il n’est pas possible de laisser cette connaissance de côté.