Saudade
A la mémoire de Corinne Lopez et Christine Gatineau, et à leurs proches, pour qui la vie continue
En cette fin d’été, deux âmes généreuses se sont envolées.
Quelles que soient leurs natures, les pertes et les ruptures nous incitent toujours à regarder en arrière.
C’est d’autant plus difficile qu’à la douleur s’ajoute parfois la résistance culturelle.
Parce que pleurer un amour qui ne pourra plus être, ce n’est ni rentable, ni productif.
Parce que s’effondrer, submergé(e) par ses émotions, est devenu encore plus grossier que d’exhiber son intimité corporelle en public.
Parce qu’exprimer l’angoisse du manque, serait une régression infantile.
Parce que contempler le passé, nous couperait de l’essentiel, qui serait l’ici et maintenant.
La mondialisation n’ayant guère le temps de vivre, comment pourrait-elle prendre celui d’honorer ses héros/héroïnes ?
Pourtant, si faisant fi des jugements, d’où qu’ils viennent, nous nous retournions pour contempler le chemin parcouru ensemble, quel spectacle ! Tel un message calligraphié à l’encre lumineuse des moments partagés, nous pourrions…
… comprendre pourquoi nous nous sommes rencontré(e)s…
…percevoir la trame des scénarios relationnels que nous avons si souvent joués…
…découvrir les fruits sauvages et cultivés de l’amour reçu et donné…
L’émotion de notre âme étreindrait doucement notre cœur, accompagnant ses pulsations d’un torrent de larmes de gratitude. Dispersant notre peine entremêlée de joie aux quatre vents, nous bâtirions un espace de mémoire pour invoquer, lorsque les ténèbres nous enveloppent, la chaleur éclairante de ce qui n’est plus, afin d’être guidé(e). Peut-être l’invisible se ferait-il alors complice pour nous signifier que l’autre non plus, où qu’il soit, ne nous a pas oublié(e) ?
Alors pourrions-nous murmurer, sans remords ni regrets, à l’instar de nos voisins portugais : « amigo(a), sinto saudade de você »…(1)
(1) « ami(e), tu me manques »